Le racisme ne doit pas être combattu par ses victimes, mais par les hommes et les femmes de bonne volonté !

Emmanuel Alder
5 min readJun 22, 2020

Le débat en cours est nourri de beaucoup de choses, prises de positions diverses et témoignages touchants. Il est pourtant une constante, hormis les déclarations tantôt forcées tantôt honnêtes de beaucoup d’institutions, organismes ou corporations, il s’agit dans une grande majorité des cas des victimes qui ont soit besoin d’être entendues ou reconnues comme telles, soit expriment le besoin légitime de participer au débat, d’ajouter leur pierre à l’édifice.

En cela réside une incongruité: depuis quand serait-ce le rôle d’une victime d’assurer sa propre défense, de chercher sa propre réparation ou même d’assurer elle-même l’éducation du ou des auteur(s) ? Nos sociétés modernes se caractérisent entre autres par le nombre de leurs règles, outils, lois ou encore associations et organismes de défense d’innombrables intérêts. Les victimes, de quoi que ce soit d’ailleurs, font partie des individus à même d’en appeler à de telles assistances.
Les victimes de racisme ne devraient pas faire exception.

Le racisme est quelque chose qui implique toutes les parties, il est aberrant de se contenter de n’entendre que les personnes qui en sont victimes.
Ceux d’entre-nous qui ne sont pas racistes et condamnent les comportements qui appartiennent à ce cancer de la société doivent également s’exprimer. Après tout, cela ne fera qu’augmenter le nombre de personnes engagées dans la lutte pour s’en débarrasser.

Sur la grande variété d’expressions du racisme, vous pouvez trouver des gens qui ont juste besoin d’un petit coup de pouce éducatif, d’un bon exemple à suivre, car ils ne sont pas consciemment racistes. Ce sont ceux qui ne font que répéter passivement quelques gestes ou paroles qui n’ont pas de conséquences dramatiques mais qui participent tout de même au tableau, à la constance du sentiment de ceux qui les subissent. Si de telles personnes peuvent s’inspirer du comportement « normal » de leurs semblables envers les personnes dites
« différentes » plutôt que continuer de suivre les mauvais exemples, nous aurons avancé un peu…

Nous autres, en tant que blancs, avons par conséquent le devoir de nous exprimer et de rejoindre ce combat, tout simplement.

D’un autre coté, ceux qui dépensent leur énergie à se plaindre du débat en cours, de ce mouvement formidable qui est je l’espère un moment clé dans l’histoire humaine, qui arguent que le problème n’est pas si grave ou serait même inexistant, sont dangereux. Je les appelle les négationnistes, nous avons besoin de les remettre à leur place, de les empêcher de polluer le débat. Refuser d’admettre le problème, refuser de le régler, c’est aussi une forme de racisme !

Comme je le disais, il en existe une multitude de formes, elles peuvent s’appliquer à des groupes ou des régions des plus variés, mais je me limiterai à celle que je connais pour en parler, celle qui nous concerne nous autres « blancs » en relation avec les personnes originaires d’Afrique noire.
Il se trouve que les hasards de la vie ont fait de moi un acteur de la diversité, du mélange. Un mélange incarné de la plus belle manière qui soit par mes deux enfants âgés de 15 et 19 ans. C’est dire si ma rencontre avec celle qui deviendra mon épouse ne date pas d’hier. Cela date en fait de 1994.

En construisant une telle relation, j’ai été bien évidemment conduit à découvrir un pan de la société auquel je n’avais jamais été exposé auparavant. Celui des personnes pour lesquelles les interactions avec des gens de couleur différente pose problème. Je ne développerai pas plus car j’en parle dans un autre billet.

Ce que je veux amener ici, c’est mon expérience « à l’envers », lorsqu’en mettant les pieds dans la communauté de ressortissants du pays d’origine de ma future épouse, ou en voyageant dans plusieurs pays africains je me suis retrouvé le seul de ma couleur.

Graduellement, cela a commencé par ma future belle-mère et mes futurs belles-soeurs et beaux-frères. Suivi de nombre de personnes faisant partie des amis proches de la famille ou de la communauté présente dans la région. Je me retrouverai donc dans une multitude d’invitations ou fêtes dans lesquelles j’était presque à chaque fois le seul non africain. Un mélange qui culminera au jour ne notre mariage, dans cette joyeuse expression de la diversité, du mélange des couleurs.

Profitant des postes attribués à ma belle-mère par son emploi dans une organisation internationale en Ethiopie et au Kenya pour visiter ces pays, je me suis retrouvé par moment dans des territoires fort éloignés des capitales. Il y eut sur place également des fêtes célébrant notre récent mariage. J’ai même eu un jour l’honneur d’une poignée de main avec Daniel arap Moi, alors président du Kenya, ma belle-mère étant invitée à sa garden-party très protocolaire.

Pendant tout ce temps, ma femme a eu très à coeur d’être acceptée et intégrée dans mes cercles d’amis. Elle y a mis tout son coeur et beaucoup d’efforts.
Au fil du temps, je dirais que la moitié de mes amis de l’époque de notre rencontre se sont peu à peu effacés. Les raisons profondes de cette évolution les regardent, il y eu certaines démonstrations d’inconfort, de désapprobation, plus ou moins directes pour certaines, plus cachées pour d’autres, mais la vérité est qu’un tri s’est opéré. Ceux de mes amis pour lesquels mon choix paraissait tout à fait normal et en aucun cas critiquable sont toujours là.
D’autres se sont ajoutés, ceux que nous avons rencontrés en tant que couple déjà formé.

C’est dire si cette notion de racisme, pas toujours très assumée, ou même identifiée comme telle, a été présente néanmoins à nos cotés. Je devrais dire au coté de mon épouse pour être juste, car je dois préciser que de mon coté, au cours de toutes ces années, au cours de ces voyages, de ces rencontres, à aucun moment je n’ai ressenti, où que ce soit, la moindre démonstration de racisme à mon égard. Pas une seule fois, jamais !
Et c’est là non seulement une belle leçon à prendre, avec humilité, mais c’est le moment de réaliser qu’en effet, le racisme n’est pas le problème de ses victimes. Non, c’est le nôtre !

J’enjoins donc toutes les personnes de bonne volonté, détentrice de cette humanité qui fait la beauté de notre espèce, à s’engager, à participer, en s’intéressant à l’autre, en prenant part à la conversation, en corrigeant les idées reçues, en affirmant son soutien, en choisissant les bons décideurs, en donnant les responsabilités et les pouvoirs aux bonnes personnes. Je les enjoins à s’interposer. Il n’existe pas de geste trop petit. Faisons de ce monde un monde meilleur !

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