Danièle Obono et la critique de l’indigénisme.

Emmanuel Alder
4 min readSep 1, 2020
La députée (La France insoumise, Paris) Danièle Obono, en novembre 2017. JOEL SAGET / AFP

Dans le débat actuel et mondial sur le racisme, il ne sera bientôt plus possible de traiter complètement un sujet, un incident, tant l’actualité s’emballe, alimentée par de plus en plus d’évènements qui tous, participent à cette discussion. Et c’est tant mieux ! Le sujet n’a que trop longtemps été négligé, dans toutes les couches de nos sociétés, par tous les pouvoirs politiques ou économiques de l’histoire.

Je vais tout de même tenter d’approfondir un peu le sujet récent de cette publication française « Valeurs actuelles », mettant en scène la députée du mouvement « La France Insoumise » (le parti créé par Jean-Luc Mélenchon) Danièle Obono dans le cadre d’un « roman fiction » de l’été. Cette publication a eu pour ceux qui l’ignorent encore la bonne idée (…) de placer cette députée dans l’environnement de l’esclavagisme au XVIIIème siècle, allant jusqu’à illustrer cet épisode en la montrant enchaînée.

Le fait en lui-même est assez malvenu pour ne pas dire abject et scandaleux pour motiver ma réaction, mais c’est plutôt la réponse que « Valeurs
actuelles » a faite suite aux pourtant prévisibles remous que sa publication a créés, qui me fait sursauter !
(Lien vers ce communiqué: https://twitter.com/valeurs/status/1299689598751301632?s=21)

Une réponse qui m’a contraint à m’intéresser de plus près à un courant de pensée qui est quelque part encore bien plus abject que cette publication elle-même. « Valeurs actuelles » s’en prend en effet à ceux qu’elle appelle les
« indigénistes » et « déconstructeurs de l’histoire ».

Si l’indigénisme est à la base un courant littéraire devenu politique s’intéressant à la cause des améridiens en Amérique latine né il y a un siècle, son usage moderne est élargi et notamment dans le cadre de ce sujet, définit les préoccupations que l’on peut avoir envers les populations indigènes en général, les (mauvais) traitements que les sociétés dites occidentales, blanches donc, leur ont réservés et en général la défense de leurs intérêts face à la pression des politiques menées par les pays et entreprises dominants, aujourd’hui encore. C’est en tout cas la compréhension que j’en ai.

Or, le discours colporté par « Valeurs actuelles » jusque dans ses excuses envers cette députée, devenues du coup hypocrites, consiste à critiquer vertement le mode de pensée en faveur d’une meilleure reconnaissance de la responsabilité des pays occidentaux dans la traite des noirs et partant, des réparations que les peuples concernés sont en droit d’attendre.
L’on y trouve donc des concepts comme le partage de la responsabilité de l’esclavage (sic) ayant touché des populations locales, lesquelles selon eux n’affichaient à l’époque aucune unité, ce genre de choses. L’on y trouve également une sorte de complainte contre ce qui leur apparaît comme un dénigrement injuste et exagéré des blancs voire des gaulois — les vrais français en d’autres termes — qu’il serait par conséquent erroné de traiter de racistes !
Je m’arrête là, je pense que vous aurez compris l’idée. Je vous laisse vous immerger dans l’eau nauséabonde de ces courants de pensée si l’envie vous en prend, de mon coté j’ai assez donné, merci.

Ce qui me révulse particulièrement ici, c’est qu’après avoir considéré les populations noires comme une espèce inférieure, après avoir pendant des siècles commis toutes les atrocités possibles ayant accompagné l’esclavagisme, après avoir pillé tout aussi longtemps et aujourd’hui encore les ressources naturelles des régions concernées, après avoir géré de façon lamentable les suites de la colonisation et après avoir réussi à parquer les immigrés de ces mêmes pays colonisés dans de véritables ghettos, que ce soit en terme d’habitat ou socialement parlant, ces bons français veulent maintenant nous faire avaler que les populations africaines ayant vu débarquer ces envahisseurs cruels et inhumains pour les massacrer, les dépouiller et les embarquer de force sur d’autres continents pour les y faire vivre — et mourir — dans d’atroces conditions, des pays où d’ailleurs leurs descendants n’ont visiblement toujours pas les mêmes chances que les autres, ces gens-là donc voudraient nous faire avaler que ces populations devraient partager la responsabilité de l’esclavagisme ?

Je ne sais pas ce qui m’écœure le plus ici. Est-ce cette mentalité indescriptiblement nauséabonde ou le fait de prendre à ce point les autres pour des imbéciles ?

Que les choses soient claires: on ne peut plus laisser passer ce genre de sous-culture moisie, on ne peut laisser passer la moindre atteinte, la moindre parole, le moindre geste, la moindre injustice, plus jamais !

Il ne s’agit pas ici de faire l’amalgame et culpabiliser les blancs, j’aime à penser que je ne suis pas le seul de mon espèce.
Non, mais il s’agit d’évoluer, de passer à un niveau supérieur de dignité humaine, de justice et d’égalité de traitement envers nos semblables partageant tous sans exception le même code génétique. Il s’agit ici de réparer, de compenser la brutalité, les injustices, les mensonges, ce « crime contre l’humanité » d’une durée approchant maintenant les 600 ans !
(https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Traites_négrières)

La présente lutte contre le racisme — contre tous les racismes devrais-je dire bien que le focus récent soit mis à raison sur les descendants des victimes de la traite des noirs — mérite donc toute notre attention, tous nos efforts. Elle doit être constamment alimentée et ne doit en aucun cas prendre le chemin d’un effet de mode.

Je compte sur vous tous pour participer à cet effort indispensable.
Merci de m’avoir lu.

Emmanuel Alder

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